Les vigilantes

Caroline Fourest (crédit BALTEL/SIPA)

Caroline Fourest (crédit BALTEL/SIPA)

Parmi les petits cancrelats qui infestent le charnier médiatique, Mlle Fourest, fondateuse de la revue Prochoix, n’est certainement pas le moins infâme. Championne de tous les combats de confort, cette petite créature, qui compense une cocasse absence de raison par une étonnante assurance, s’est fait une spécialité d’attaquer les extrémismes (ce qui est, on l’aura compris, la marque indélébile du courage le plus admirable), qu’ils soient musulmans, catholiques ou identitaires. Son inébranlable sérieux est à l’épreuve de toutes les balles de l’humour, cela va sans dire. Se moquer d’elle n’est donc guère qu’un exutoire assez facile. Elle se permettait, il y a un mois, de s’en prendre aux « obsédés du complot », entreprise tout à fait louable en soi, mais qui revient, lorsqu’on s’y penche un peu, à s’en prendre à Mlle Fourest, ce qu’elle n’a pas dû remarquer.

La belle ne sort pas sans un cafard assorti, sa compagne Fiammetta Venner, dont l’activité préférée consiste à déceler derrière chaque phénomène contre-moderne un complot des catholiques. Obsédée par le fascisme – financé par Christine Boutin et le Vatican –, cette paire de latrines ne rechigne pas à en employer les techniques les plus saines : la dénonciation d’ennemis bien identifiés (dans Les anti-Pacs ou la dernière croisade homophobe, en 1999, figurait une liste des maires qui avaient voté non au projet de loi) et la délation (un an plus tôt, leur Guide des sponsors du FN énumérait les entreprises participant au financement du parti de Jean-Marie Le Pen). Les pailles qu’elles décèlent et dénoncent dans l’œil de leurs tout-puissants adversaires leur ont fait oublier les quintaux de poutres qui encombrent le leur, mais après tout on ne peut pas vraiment leur en vouloir, ne serait-ce que parce que chacun de leurs cafardages est une occasion de plus de croire en l’intelligence humaine : comme l’aurait dit Léon Bloy, Dieu n’a pas pu mettre une si éclatante bêtise dans deux êtres sans compenser quelque part avec au moins autant de génie chez deux autres.

La vue de ces deux malades, si sérieuses dans leur combat de basse-cour, n’est pas sans rappeler la drôlerie des poules, dont l’œil sévère est comiquement désavoué par une démarche ridicule. Pour grotesques qu’elles soient, ces gallinacées vigilantes n’en continueront pas moins d’empuantir l’air de leurs déjections moralistes. Ces saintes vierges 2.0, agnelles pascales, éternelles victimes du Mâlin, le démon à verge, vont continuer à fienter sur des cadavres dans la plus parfaite impunité, et ce n’est pas moi qui les empêcherai, elles sont si drôles.

Eric Campagnol